Histoires et légendes plouguinoises
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Le meunier de Lesvenn
Hurkan
La même histoire par Albert le Grand
L'auge de Saint Majan
Le trône du roi à Balaren
La chèvre de Kerozal
Les Saints d'autrefois
Saint Guénolé
Saint Majan

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LE MEUNlER DE LESVENN

Il était toujours joyeux, chantait comme son moulin
dans la douce vallée.
O va doue benniguet
Pebez torrad filiped!
Peoh! Hoaz e vo
Ma chom ar re goz beo
(O Dieu béni quelle couvée de moineaux ! Paix! Il
y en aura d'autres si les vieux restent en vie.)
Et il riait Per Terrom! Son rire, on eût dit un
gargouillis sonore, strident, dont l'écho se répétait
moult fois en aval, en amont.
Toujours des plus serviables, il était aimé de tout

Plouguin. Son travail, il le faisait à merveille.
Comme tout meunier qui se respecte, il avait plusieurs
tours dans son sac. Quand survenait quelque
chose d'insolite, les vieux accusaient Paotred ar Zabad,
mais les jeunes disaient : " C'est un coup de Per Terrom"?
Il était au mieux avec son propriétaire le seigneur
de LESVENN, très brave, mais gérant mal ses affaires,
souvent à court d'argent.
La distraction principale du meunier : la chasse!
Il en était devenu, dans toutl le canton, le champion
incontesté. A toutes les veillées, même à Guipronvel
et à Portsall, on racontait ses prouesses: " Dimanche,
il a pris dix lièvres, douze lapins et trois renards
Il ne court pas après le gibier, Pr Terrom. Il l'attend
dans un coin en fumant la pipe. Il doit jeter un sort
sur les bêtes. Ce n'est pas possible autrement.
Le seigneur de Lesvenn, lui, avait trop bon coeur
pour être jaloux. Au contraire il était tout fier de
son meunier
Un jour, pour être précis, c'était le Mardi gras, fit
annoncer qu'il viendrait déjeuner au château de Lesvenn,
un seigneur de Saint-Pabu.
J'ai eu envie de changer, de dire qu'il venait d'ailleurs. Ca me fait de la peine d'entendre chaque fois
qu'il arrive un coup dur à Plouguin : " C'est de la
faute de quelqu'un de Saint-Pabu." Il est vrai que
l'inverse se réalise également. C'est seulement pour
choisir de jolies filles que d'un côté comme de l'autre
on ne regarde pas les frontières.
"Foutré ! dit le seigneur de Lesvenn, je n'ai rien
dans mon garde-manger. Je vais voir Per Terrom.
-- Ah ! vous tombez rudement bien, Monsieur. Une
bande de perdrix vient de passer. Un coup de fusil
et vlan! dix-huit par terre! Prenez-les.
-- Ah ! mais je te les paie.
-- Pas question! Dans une heure, une autre bande
passera et j'en fais mon affaire! "

Le seigneur de Saint-Pabu, glouton, se régala.
Celui de Lesvenn lui raconta la chasse prodigieuse
de son meunier. Quand, l'estomac est plein, le coeur
se dilate. Le seigneur de Saint-Pabu, n'était qu'un ogre
sans pitié. Pas étonnant qu'il fût honni de tous ses sujets !
Il fronça ses noirs sourcils :
" Vous avez des dettes très lourdes à mon égard,
monsieur. Si j'alerte la justice vous êtes ruiné. Moi
aussi, je suis bon chasseur mais si je ne prends
plus beaucoup de gibier, c'est que ce manant, ce vaurien
de meunier le massacre. J'exige, monsieur, j'exige
que ce meunier quitte à jamais, dès ce soir, votre
moulin. A bon entendeur, salut! "

Le bon monsieur de Lesven pleura. Il avait beau
avoir la réputation d'un saint et l'être sans doute, il
ne pouvait pas acculer sa famille à la ruine.
Per Terrom le comprit d'ailleurs. Il allait se lever
pour atteler ses chars quand brusquement les yeux
du seigneur da Lesvenn se levèrent, devinrent immobiles.

" Monsieur, monsieur!... "
Le seigneur revint à lui.
" Ah! mon pauvre Per Terrom J'ai vu ton avenir.
Malheur sur malheur. Tu vas mourir pauvre, tes enfants
encore plus pauvres, les petits-enfants encore
plus dans la misère. Puis ce sera une remontée spectaculaire,
pour les autres descendants... une richesse
fabuleuse. "

Per Terrom prit un petit moulin qui devait, en
d'autres mains, grâce au courage, à l'intelligence créatrice
de ses meuniers, connaître grande vogue : Pont-Ours

En ce temps là, il était pauvre, très peu fréquenté.
Per Terrom se lamentait:
- Me zo bet e Lesvenn
- El leh ma raen bleud eus a vrenn
- Breman oun deut du Bondourz
- D'ober brenn war va ourz.
(J'ai été à Lesvenn où avec du son je fabriquais de
la farine. Maintenant je suis venu à Pontourz pour
fabriquer du son, abandonné, seul.)

Sa femme mourut, laissant huit enfants encore
tout jeunes.
Per Terrom se remarie à une fille de Ploumoguer,
s'installe là-bas à Milin-Vihan.
Le malheur l'y poursuit. Il perd la même année
neuf étalons.C'est la ruine. Ils vendent la ferme dont
ils étaient propriétaires à Kerdavezan en Plouarzel.
Les acquéreurs y feront tôt après une riche découverte :
deux auges remplies d'or.
Jamais il n'eut de chance, le pauvre Per Terrom.
Il mourut dans la misère et pourtant toujours éclatait
son rire sonore. Malgré tous leurs efforts ses enfants,
ses petits-enfants ne réussirent pas du tout mieux que lui.

La prédiction du seigneur de Lesvenn s'est totalement
réalisée. Les descendants actuels de Per Terrom
ont fait fortune et leur richesse ne cesse de s'accroître.
Je puis vous garantir qu'ils ont de quoi acheter le
château de Lesvenn.
Légende? Il est des récits historiques qui sont faux
et des légendes qui sont vraies.
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HURKAN

Décidément rien n'allait plus au gracieux monas- taire de Locmajan en Plouguin. Deux cuisiniers l'autre jour, au lieu de préparer la soupe, s'en étaient allés courir la campagne. Un autre, réputé sérieux, chantait l'autre soir, une "sône " d'amour. Même parmi ceux qui se livraient à l'étude des Saintes Ecritures écla- taient de violentes querelles. Le bon Saint Majan, qui avait pourtant une longue expérience, n'y comprenait rien. Il sentait qu'une sorte de raz-de-marée diabolique menaçait son monastère, que Paolig le démon s'était faufilé dans l'enceinte sacrée. Où se cachait-il? Pour y voir clair il fit appel à un aveugle dont la sainteté s'était déjà manifestée en maintes circons- tances dans tout le pays du Léon : Saint Hervé. Paolig en avait une peur terrible. Il avait dû renoncer à le troubler dans son ermitage de Lanrivoaré. Le cantique si mélodieux, si rempli de confiance en Dieu, " Jezuz, pegen braz ve " composé et chanté de façon suave par le barde aveugle, provoquait chez le prince des ténèbres des rages de fureur. Saint Hervé répondit aussitôt à l'appel de son ami Saint Majan. Il était bien plus fort que le sourcier de Kerlumbarz, Saint Hervé! Pas besoin de baguette ni de pendule pour déceler sur-le-champ que Lucifer était là, au monastère, sous forme humaine. Le saint aveugle, rempli de lumiere divine, aurait bien pu foncer tout droit sur Paolig. Mais c'était un malin, Saint Hervé, comme tous les vieux saints de chez nous. Avant de chasser le démon il valait mieux constater, pour mieux les réparer, les dégats causés par lui dans les âmes. Saint Hervé se fit présenter un à un tous les habitants du monastère. Dès qu'il se rendit compte qu'il était menacé d'être pris au piège, Hurkan, qui s'occupait des vaches, voulut sortir sous prétexte d'aller voir les bêtes. Le portier lui fit connaître les consignes formelles interdisant absolument toute sortie. Hurkan essaya de se cacher dans un tas de bois, mais un loustic de moine le dénicha, l'amena devant Saint Hervé qui avait interrogé tous les autres. " Je l'ai trouvé caché dans un tas de bois. -- Tu mens, je suis allé prendre de quoi cuire le podad et la meule de fagots s'est effondrée. -- Qui es-tu? lui demanda sêchement Saint Hervé en se caressant la barbe. -- J'ai nom Hurkan. Je suis natif d'Hibernie. J'ai quitté mon beau pays pour aider les moines dans l'évangélisation de 1'Armorique. Je leur rends de grands services. Je suis charpentier, maçon, serrurier, bon pilote. Ici, on n'a pas, hélas ! reconnu mes hautes capa- cités et on m'a chargé des douze vaches ! -- Eh ! bien, lui lança d'une voix forte Saint Hervé, puisque tu es si habile et si universel, imprime du doigt le signe de la croix là, sur le pavé, et adore Jésus-Christ crucifié. Hurkan fit un bond en arrière, voulut prendre la fuite. Saint Hervé, l'aveugle, voyait très bien les êtres surnaturels. D'un bond, lui aussi, il fut sur Hurkan, le terrassa... " Avoue ! Avoue ! C'est toi le suppôt de Lucifer, c'est toi qui sèmes ici la division, le désordre, le mépris de la règle, de l'amour fraternel... " Les moines, tous les habitants du monastère, accoururent. Hurkan, debout, les yeux pleins de flammes de l'enfer, hurla : " Oui, C'est moi qui ai combattu ici l'esprit de l'Evangile, c'est moi qui ai mis dans le coeur des moines, le doute, le mépris de leurs supérieurs, la méfiance à l'égard des autres, la haine. J'ai essavé par deux fois de mettre le feu aux granges. Mon action s'est étendue à l'extérieur, C'est moi qui sème la discorde dans la région de Lokmajan, c'est moi qui ai poussé le meunier de Tanné à quitter sa femme, c'est moi qui ai signalé à mon patron des enfers, la beauté extraor- dinaire, si pure de Mona de Meznaod. C'est sur mes indications qu'il a essayé de l'emporter. Vous tous qui travaillez pour étendre la foi à Celui qui est mort Sur la croix, tous et toi surtout l'aveugle qui le chantes si bien, je vous hais! " Des moines bien bâtis voulurent se jeter sur lui, l'étrangler. " Non, leur dit Saint Hervé. Mettez-le simplement à la porte du monastère..." Mais le portier avait sonné le tocsin. Puisqu'on le sonne pour le feu, on peut bien le sonner quand on découvre celui qui entretient le Feu éternel! Tous les habitants des villages voisins accoururent. Ils se précipitèrent sur Hurkan, l'entrainèrent jus- qu'au nord de Trouzilit. Là, du haut de la falaise ils le précipitèrent dans 1'Aber-Benoit. Il y eut alors un fracas épouvantable, un éclair fulgurant, une sorte de tremblement de terre. Un rocher sortit des entrailles de la terre. Il existe toujours, noir, lugubre dans le chenal. On l'appelle Roh an Diaoul : le rocher du Diable. Les ans, les vagues furieuses, les marteaux des piqueurs ont essayé de l'entamer. Rien à faire. Roh an Diaoul demeure intact toujours aussi sombre au-dessus des flots verts de la plus belle rivière du monde... Les pêcheurs de Tréglonou prétendent qu'au clair de lune ils voient souvent à son sommet un vieux hibou qui hulule : Hurkan! Hurkan! -----------------------------------------------------------------------------------------------
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Saint Guénolé
Plouguin, dans la geste des vieux saints bretons
(par Albert Le Grand -1636-)

"Fragan et Guen, se retirèrent en leur gouvernement et bâtirent, en la paroisse de Ploukin, diocèse de Léon, un beau château qui, du nom de la dame, fut nommé Les-Guen où ils firent leur nécessaire résidence. La seconde année de leur mariage Dieu leur donna un beau fils que Guen mit au monde au dit château de Les-Guen et fut nommé, sur les sacrés fonds Guennolé, c'est-à-dire en langage breton " Il est tout blanc" nom qui semblait présager combien grandes devaient être la candeur, la sincérité et l'innocence de sa vie. (Gwen ayant eu trois enfants, la tradition rapporte qu'elle avait trois seins) " Il fut soigneusement instruit et élevé en la maison paternelle jusques à l'âge de douze à quinze ans. Son père voulut le mener à la cour du roi et le faire dresser aux armes, prétendant en faire un capitaine, mais le bienheureux enfant avait conçu un autre dessein bien contraire à celui de son pére, savoir de vivre en quelque austère religion et s'y vouer entièrement au service de Dieu: pour à quoi parvenir plus aisément il s'adonna à l'étude des saintes lettres, mais son père, persistant en sa première résolution de le mener en cour, le saint eut recours à l'oraison, suppliant notre Seigneur de le favoriser en son saint et louable dessein. Sa prière fut exaucée, car son père allant un jour par pays, bien accompagné, fut subitement accueilli en rase campagne d'un orge si violent qu'en moins de rien, lui et sa compagnie furent tous en eau, mais ce qui plus étonna Fragan fut un horrible tonnerre qui effroyablement brûlait sur sa tête avec des éclairs s'entre-suivant si fort qu'il ne pouvait remuer de ce lieu. Se voyant en un péril si éminent il se recommanda à Dieu et, se souvenant qu'il avait dissuadé son fils de se faire religieux, promit que ,s'il échappait à ce danger, non seulement il n'empêcherait pas mais même il induirait son fils à la vie monastique Ce voeu fait, l'orage cessa et il poursuivit son chemin et il se rendit au logis. " La bonne dame Guen et son fils Guénolé étant venus au devant de Fragan, après les caresses accoutumées, entendirent de lui tout le succès du voyage et le voeu qu'il avait fait., ce dont la bonne mère et son fils remercièrent Dieu, et , peu de temps après, Fragan mena son fils à un saint ermite nommé Corentin qui vivait en sainteté sous une montagne nommée Menez Cosm en la paroisse de Plouvodiern"
" Un jour saint Gwennolé étant par permission de saint Corentin, allé voir son père qui était pour lors en Léon, certains pirates païens, que Fragan avait chassés de Léon, du temps du feu roi Conan, revinrent en plus grand nombre, résolus de prendre terre et s'y habituer. Leur flotte ayant paru en mer, l'alarme se donna à la côte et Fragan, ayant ammassé une petite armée à la hâte, encouragé par saint Guennolé, marche vers le rivage de la mer pour empêcher l'ennemi de descendre et, étant en la paroisse de Guic-Sesni, près Lavengat, ils aperçurent la flotte ennemie en rade, si épaisse que les mâts de navire semblaient représenter une forêt, ce qu'étant vu par le conducteur de l'avant-garde, il s'écria " Me a vel mil guern ", c'est-à-dire je vois mille mâts de navires. En mémoire de quoi, après la bataille fut dressée en ce lieu une croix qui encore à présent s'appelle Kroaz ar mil guern... Après la victoire, Guennolé exhorta son père et les chefs de l'armée d'employer le butin pris sur les ennemis pour bâtir un monastère en l'honneur de la sainte croix au même lieu où fut donnée la bataille qui s'appelait an Izel-Vez, en la paroisse de Plounévez, ce qui fut fait et fut nommé Loc-Christ... " Saint Corentin bénit saint Guennolé et le désigna abbé du nouveau monastère de Land-Tevennec ou LandeVennec que le roi Gradlon avait fait bâtir sur le bord de la rivière de Aône et Castellin."


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Histoire de Saint Majan

Saint Hervé découvrit "une semblable fraude" au monastère de Saint Majan: car l'estait allé voir, par le commandement de Dieu , que l'ange luy avait manifesté, il eut révélation que parmy les domestiques de ce saint abbé, il y avait un diable en forme humaine, ce qu'il manifesta à Saint Majan, lequel ayant fait venir tous ses domestiques, les présenta à Saint Hervé, les faisant passer tous un par un devant luy. Le saint les interrogea tous de leur nom, leur pays et leur vacation; le diable craignant de se présenter devant le saint retarda tant qu'il pût, enfin il luy fallut paraître: "J'ay nom Hurcan dit-il, natif d'Hybernie, je suis bon charpentier, masson, serrurier et bon pilote, et n'y a guères de mestiers que je ne puis exercer" "Et bien ,dit le saint, puisque tu es si habile et universel en tous mestiers, imprime du doigt le signe de la croix en ce pavé et adore Jésus-Christ sacrifié". Le misérable s'en voulut fuir et se cacher; mais Saint Hervé l'arresta et dit à Saint Majan "Et bien, voyez-vous maintenant de quels serviteurs vous vous servez. Mesnons-le à votre voisin l'abbé Saint Geldouin, pous sçavoir de luy ce que nous en ferons" Ils le menèrent donc, où ayant esté conjuré et ayant confessé qu'il estait dans le monastère pour tromper et séduire les Moynes, on lui deffendit, de la part de Dieu, de se trouver là, et fut précipité dans la mer. -------------------------------------------------------------------------------------------------
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Histoire de Clervie

" Une des soeurs de Saint Guénolé, chassant un jour des oies sauvages par la cour du château de Lesguen, une de ces oies lui tira un oeil de la tête et l'avala. Cet accident attrista fort ses père et mère. Saint Guénolé, étant en oraison à son monastère, fut averti par un ange de ce qui se passait chez son père. Il s'y en alla en toute diligence et l'ayant consolé empoigna l'oie, lui fend le ventre, en tire l'oeil et le remet en sa place et faisant le signe de la croix dessus, le rendit aussi clair et beau que jamais." --------------------------------------------------------------------------------------------------
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LA CHEVRE BLANCHE DE KEROZAL

Certes il est encore ravissanl le vieus manoir de Kerozal, avec son portail gothique, ses fenêtres à croisées qui semblent se moquer de la symétrie, sa tourelle, son Puits circulaire. Avec quelques réparations et son magnifique environnement d'autrefois, Kerozal redeviendrait un joyau. Kerozal veut dire métairie du château. Devait se trouver tout à côté le castel de Lesvenn. A sa des- truction le manoir des fermiers prit grande impor- tance, devint demeure seigneuriale, blasonnée d'or. Olivier De Campir l'habitait en 1443 Quittons l'histoirc pour entrer dans la légende. Il y a bien longtceps dc cela vivait à Kerozal une grande dame toute maigre et bien aigre. A cause de sa fortune, elle avait réussi, sur le tard, à trouver un mari, un " pourkez " noblaillon de Saint-Pabu, qui dépérit bien vite en sa morne et stricte compagnie. Il mourut. La population de Plouguin voulut le mettre au rang des martyrs, nais le prieur de Coat-Meal opposa sous prétexte qu'il n'avait pas été assez regulier dans le versement de ses redevances. Ildut de Kerozal fut le seul enfant de ce mariage. Sa mère, comme poussée par le désir de tyranniser, en fit son esclave, sous le prétexte de l'élever conformément à son rang. Ildut ne put jamais s'amuser avec les enfants du voisinage, courir avec eux les bois, les belles vallées de Plouguin. Toujours tirée à quatre épingles, toujours suivi dans ses moindres déplacements par un vieux moine à la bure délavée, Ildut se morfondait, mais se soumettait sans jamais rechigner. Il devint beau garçon de vingt ans. Le moine mourut. Par mesure d'économie, il ne fut pas remplacé. Plus de service religieux à Kérozal. Tous les dimanches et jours de fête, fut attelé le carrosse le matin pour la grand-messe, l'après-midi pour les vêpres. Ildut en fut ravi. Ravi, il allait sans tarder, l'être encore bien plus! Plouguin de ce temps-là était un bourg résidentiel, bien plus que Gwitalmézeau. Y vivaient en des luxeuses demeures de hauts dignitaires des maisons nobles, des agents d'affaires, les notaires du prieuré de Coat-Méal, de la maison de Kerleg, du Chastel. Si bien que les filles de Plouguin, qui ont aujourd'hui si bonne réputation, contaminées par une trop grande aisance, passaient pour être un peu trop délurées. Mais tous les auteurs anciens les plus sérieux sont unanimes à reconnaître qu'elles étaient comme maintenant très jolies. Catherine Mabis, dis-huit ans, perle de beauté, le sachant fort bien, était la fille unique du fermier général de la vicomté~ de Coat-Méal. Son père ne pensait qu'argent, affaires rentables. Sa mère, qui avait autrefois tenu une auberge à Recouvrance, adorait sa fille, lui passait tous ses caprices, lui communiqua surtout sa roublardise. Mais au lieu de penser à rouler quelque marin, Cathrrine, très ambitieuse, visait beaucoup plus haut. Elle assistait, bien sûr, elle aussi à la grand-messe et aux vêpres. Les femmcs vont là où elles peuvent se faire admirer. Catherine, épanouie, en ses seyants atours, attira fatalement l'attention du jeune seigneur De Kérozal. Elle arriva très vite à saisir l'un des regards qu'il lui jetait à la dérobée. Audacieuse, elle lui répondit par un sourire ravissant et plein d'éloquence. La foudre a parfois endommagé le clocher et l'église de Plouguin. Le sourire de Catherine Mabis provoqua bien plus de dégâts. Il fit s'écrouler l'empire de la dame De Kérozal sur l'âme de son fils. Aux vêpres de Plouguin, bientôt les oeillades des deux jouvençaux furent plus nombreuses que les G1oria Patri. Vite ce fut le besoin d'intimité. De jour c'était impossible. La nuit a été créée par Dieu pour favoriser les amours. La dame De Kérozal, qu'il ne pouvait être question de mettre dans la confidence, exigeait que son fils se couchât tôt. Quoi de plus facile, lorsque tous dormaient dans le manoir, que de sauter par une fenêtre, d'aller rejoindre la belle dont la chambre donnait sur un grand jardin très discret. Les rendez vous se déroulèrent plusieurs fois sans incident. Un soir, stupeur d'Ildut! A l'entrée du pont que vous connaissez tous, une chèvre blanche, les cornes basses, prête à foncer, lui barra le passage. Le noble chevalier dut se battre, dut mettre toutes ses forces dans la bataille pour franchir le pont. La chèvre le suivit jusqu'à la croix du bourg en bèlant. Il n'en dit rien à Catherine. A son retour, la chèvre l'attendait sur le pont, le laissa passer, l'accompagna, toujours bèlant jusqu'au portail du manoir. Plusieurs nuits, les mêmes évènements se reproduisirent, absolument identiques : "Que t'arrive-t-il, Ildut? Depuis quelque temps tu n'es plus le même. Tu es nerveux, tu sembles très préoccupé. Quelqu'un voudrait-il mettre obstacle à notre bonheur? " Ildut raconta ce qui se passait. " C'est de la sorcellerie, lui dit la belle. Quelque jaloux veut nous perdre. Défends-toi ! Voici un pistolet que j'ai pris dans l'armoire de mon père. Tue-moi cette chèvre, le dernier obstacle à nos amour ! " A son retour, la chèvre était là sur le pont. Elle n'était pas menaçante. Elle l'accompagna en bèlant. Il ne tira pas. Le lendemain soir, la tempête faisait rage. Il faut autre chose pour arrêter un amoureux. Sur le pont, la chèvre blanche bondit sur Ildut, Il essaya vainement de s'en défaire. Essoufflé, au comble de la colère, il prit le pistolet, tira... Il y eut un éclair, un fulgurant coup de tonnerre et une plainte immense que prolongèrent tous les échos. Le rendez-vous en fut gaché. Ildut ne pouvait se défaire d'une angoisse tenaillante, mystérieuse. Il s'en retourna, seul cette fois, sous la bourrasque. Très difficilement il trouva le sommeil. Au matin il fut brutalement réveillé par d'horribles cris lugubres. Une servante venait de découvrir la dame De Kérozal étendue sur le parquet de sa chambre, autour d'elle une mare de sang noir. Sa poitrine avait eté traversée d'une balle. Portes, fenêtres étaient closes, aucune trace d'effraction! Ildut De Kérozal dut se rendre à l'évidence. C'est sa mère qui se métamorphosait en chèvre. Il l'avait tuée. Jamais plus il ne voulut revoir la fille du fermier général. Il tint à expier un crime dont il n'était pourtant pas coupable. Il fit bâtir à Kérozal une chapelle dédiée à Notre-Dame de la Pitié. Elle a disparu. Mais, près du pont rustique, un calvaire des plus curieux rappelle aux passants le souvenir de la chèvre blanche. Qui retrouvera la vieille romance de Plouguin, la "gwerz " de la chèvre b!anche? -----------------------------------------------------------------------------------------------------------
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Saint Hervé avait établi son ermitage à Lanrivoaré
Sainte Rivanon, mère de Saint Hervé aurait eu son ermitage à Larivanan

Saint Guénolé, premier abbé de Landévennec, né en 416, était le fils de
Fragan et Gwen, originaires de Grande Bretagne, et établis à Lesven en 412.
Sainte Clervie était la soeur de Saint Guénolé. Ses frères avaient nom Saint Jagu et Saint Guélénoc

Saint Majan, né en Grande-Bretagne, perdit sa mère lorsqu'il était petit.
Il vint en Bretagne avec son père Tugdonius, son frère Goueznou et sa soeur Tudona.
Il débarqua à Brest vers 620 puis vint établir son ermitage à Lokmajan
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Saint Majan
(chanoine Elies)

" Magan, 18 ans, arrive de Grande-Bretagne Vers 620 Il débarque à Brest avec son père Tuydonius, son frère aïné, Guesnou, et sa sceur Tuydona, qui entra au monastère de Lok-Ronan ar Fang. Il établit son monasère, au bord de 1'Aber-Benniget. Ce monastère eut notoriété des siècles durant. Saint Guesnou, satisfait de cette construction, demanda à Majan d'établir les plans du monastère qu'il voulait faire construire à Gouesnou. "
Voici ce qu'on trouve dans les archives paroissiales de Plouguin.Ces renseignements viennent peut-être de Landévennec, peut-être du moine Ingomas qui s'est beaucoup penché sur l'histoire de Plouguin, donc aussi de Lok-Magan (nom primitif).
La tradition locale fait débarquer saint Majan et: saint Gouesnou à Bro-Ennou en Landéda. La plupart des érudits bretons d'aujourd'hui soutiennent que les sanctuaires dédiés à la Trinité sont les plus anciens... Le tableau de la Trinité, enlevé de la chapelle de Lokmajan pour être mis en sécurité dans l'église paroissiale de Plouguin, est une sorte de témoignage en faveur du caractère très antique de Lokmajan. Il ne serait pas étonnant que du temps du roi Fragan, un lieu de culte se soit établi là, près de la mer. La chapelle aurait pu, en même temps, -- ce qui n'était pas rare -- être un fort de défense. Deux cents ans après, saint Majan serait venu dans un pays pacifié, établir un monastère. La légende encadrait bien vite nos saints bretons. nos ancêtres voulaient sans doute sur ce point, rivaliser- avec les gens du midi.
Partout le merveilleux , s'est mélé au réel. au XX ièm siècle héros ou vedette y sont enluminés. "Saint Majan fut en grande faveur en son entourage où plusieurs tenaient encore aux usages païens.Non loin, au haut du village de Lannalouarn, tout près de la table de pierre, il y avait un temple bâti pour le culte d'Isis et de Teutates, divinités privilégiées des Gaulois et où les Romains avaient placé une statue de Mars. Accompagné de ses moines, saint Majan, d'un pas assuré, marche vers le temple de Lannalouarn. Arrivé là, il s'arrêta, leva les yeux vers le ciel, la main tendue vers le temple. Il fit le signe de la croix, ordonna aux idoles de descendre. Elles roulèrent à ses pieds et avec le temple, furent réduites en cendres. " Ne furent épargnés que l'autel des sacrifices et les menhirs qui y restèrent pour témoigner aux genérations futures les ténèbres épaisses où avait été ensevelie notre Basse-Armorique, jusqu'à l'époque où 1'Evangile y a envoyé ses rayons bienfaisants."
De ce texte à l'allure ancienne, on pourrait, d'après certains, déduire l'apport de la religion romaine, la présence des Romains avec leur " Curia alba " à Kerdanguy et ailleurs. Toutes les hypothèses sont valables. Personnellement, je regrette le caractère constamment anticeltique de la légende dorée. Curia alba pourrait bien être la garde royale de Lezwenn. Saint Gouesnou a séjourné auprès de son frère à Lokmajan. Il semble avoir passé quelque temps à Kastellourop, que les rubriques transforment en " Collabit". Une légende nous dit qu'ils travaillèrent chacun de son bord, à l'éddification de leur monastère. Ils ne possédaient pas assez d'outils. Pour y compenser, ils se les échangeaient de Gouesnou à Lokmajan par la voie des airs. D'où le " bern keuneud mein " (le tas de bois de pierres), près de la voie celtique, de Dorig an Ankou... Le monticule s'est formé des morceaux de mortier tombés de leurs marteaux volants.
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L'auge de Saint Majan



Les Saints bretons dont les vies merveilleuses nous sont racontées par les auteurs anciens, étaient des hommes courageux et intrépides. Ils n'hésitaient pas à affronter une nature sauvage et austère pour civiliser et évangéliser. La grâce étaient en eux, leur permettant d'accomplir ou de révéler des choses surnaturelles. Mais une des choses les plus mystérieuses les concernant est leur arrivée en Armorique. Ne dit-on pas qu'ils traversèrent la Manche dans des auges en pierre!
Comme tant d'autres, Majan utilisa ce moyen pour venir du lointain Pays de Galles. Ne me demandez pas comment il se tenait dans cette embarcation rudimentaire, ni comment il la propulsait et la guidait. Avait-il une rame, ou dressait-il une voile dans le vent de l'Iroise ? Nul ne le sait. Pourtant, sans nul doute, ces hommes aux talents mystérieux, faisaient confiance à leurs bateaux de pierre dont certains ont longtemps été vénérés, là même ou les Saints les avaient laissés en débarquant.
Majan débarqua d'abord à Brest. Bientôt il reparti vers l'ouest, longeant la côte, en quête d'un site isolé où il pourrait vivre plus loin des biens terrestres, donc plus près de Dieu. Il contourna la pointe Saint-Mathieu, remonta vers le nord, hésita entre les îles désolées et le continent, pour finalement s'engager dans le second Aber dont l'aspect lui parut propice à l'exaltation de l'âme. Non loin d'une rivière qui se jetait dans l'aber, il rencontra une source et décida que c'était là qu'il vivrait le reste de ses jours. Il bâtit un ermitage, aménagea une fontaine, construisit une chapelle et donna à ce lieu de paix le nom de Lokmajan .
Les années passèrent. La présence du Saint bénit la source qui révéla bientôt des qualités surprenantes. Son eau soulageait bien des maux, surtout les douleurs de l'âme. Aujourd'hui encore, la source fortifie et guérit les nombreux malades qui viennent avec ferveur chercher ici consolation; mais autrefois, si proche de Majan, ses vertus étaient beaucoup plus puissantes.
Quand Saint Majan mourut, son corps fut mis en terre sous le coeur de sa chapelle. Près de là son vaisseau de pierre fut utilisé pour aménager la fontaine guérisseuse. L'eau joyeuse sautait du rocher, se reposait un instant dans la belle vasque où les malades venaient puiser, puis s'écoulait rapidement dans la mer toute proche.
Les années, les siècles s'écoulèrent lentement. C'est ainsi que le temps avait autrefois l'habitude de s'écouler.
Quand les hommes du nord apparurent, ce coin d'Armorique leur plut. Ils voulurent en chasser les Bretons, et établirent un camp près de la fontaine de Lokmajan. A cette époque, la fontaine avait encore le pouvoir de guérir, sans doute la vieille auge y était-elle pour quelque chose. Et puis en ce temps là, la foi pouvait encore remuer des montagnes. Malgré l'occupation étrangère de toutes les terres autour de l'Aber, le peuple breton continuait à venir, en prenant de grands risques, solliciter la grâce de Saint Majan. Les Vikings, païens cruels, en prirent ombrage et détruisirent la fontaine.
L'obscurité normande dura un siècle. Puis les Vikings cessèrent leur raids dévastateurs. Quelques-uns étaient restés et avaient fondé un foyer avec des femmes de chez nous. Ils s'étaient civilisés. Beaucoup étaient repartis vers leur lointaine patrie.
L'ordre régna de nouveau, avec des forts et des faibles, des riches et des pauvres.

Le seigneur de Pen Ar van avait deux enfants. Elsa, sa fille aînée était belle et intelligente. Sesni, son fils était malade et chétif. C'était un enfant intelligent, en qui son père mettait tout son espoir pour lui succéder. Mais sa santé fragile laissait craindre que le château resterait sans héritier mâle, ce qui le ferait alors tomber aux mains de la famille voisine des seigneurs de Trouzilit, des vauriens, des fainéants, des profiteurs.
De nombreux médecins du Léon, de Brest, et même de Cornouaille avaient été appelés au chevet de l'enfant. Tous les guérisseurs d'Armorique avaient été consultés, ainsi que de nombreux mages, imposeurs de mains, cartomanciens, devins et astrologues.
Mais le mal inexorable semblait hors d'atteinte de tous leurs pouvoirs.
Passant un jour par le moulin de Pont-Ours, triste et fatigué, le seigneur de Pen Ar van s'arrêta près du bief. Des enfants jouaient en chantant une ancienne complainte:
"Dans leurs vaisseaux de pierre
Ils navigaient naguère
Les Saints de nos aïeux
Majan était l'un d'eux
Celui qui souffrait
Celui qui pleurait
Auprès de lui venait
A sa source il se baignait
Et ses maux s'en allaient"

Il écouta un moment puis questionna une fillette
"-Je ne connais pas votre chanson, Qui est Majan?
-Majan est mort il y a longtemps. Grand mère dit que sa source avait autrefois un grand pouvoir de guérison. Malheureusement, l'auge a été perdue. Si on la retrouvait ce serait un grand bonheur pour tous, car Majan nous protégerait de nouveau de biens des maux."
Le seigneur alla visiter l'ancêtre, vieille femme toute pliée en deux. Elle confirma les propos de l'enfant, ajoutant que ce serait une grande chance pour tous si un puissant seigneur se lançait dans cette quête formidable: la recherche de l'auge perdue.

Dès le lendemain, le seigneur de Pen ar Van se mit à explorer le bord de la rivière. Bien sûr, il ne vit rien qui ressemblât de près ou de loin à un vaisseau de pierre. Cela aurait été trop facile.
Les grands arbres qui se penchaient sur l'eau s'agitaient dans le vent. On aurait dit qu'ils avaient quelque chose à dire. Certains étaient déjà là quelques siècles plus tôt et avaient été les témoins secrets de la profanation. Ils semblaient insister, bruissant sans relâche, mais personne ne comprenait leur message.
Le seigneur se dit que s'il trouvait un homme capable de parler aux arbres et de les comprendre, il retrouverait l'auge de Majan.
Aujourd'hui, plus personne ne comprend le langage des animaux, des plantes ou des objets. Il n'en était pas de même autrefois. Au fond de certaines forêts, au coeur de certaines landes, ou au flanc de montagnes solitaires, vivaient des êtres à demi sauvages, seuls au milieu d'une nature encore jeune, et pour qui tout ce qui les entouraient étaient source d'échanges et de dialogues.
Le seigneur de Pen ar Van se mit en route vers l'Arrée. Prés des pitons désolés au dessus du Relecq, il trouva un ermite vivant dans une drôle de cabane en ardoises. Il lui expliqua son affaire. L'ermite lui dit qu'il connaissait le langage des pierres, si nombreuses alentour, mais pas celui des arbres car il n'y en avait pas en ce lieu. Il lui conseilla de continuer sa route vers le sud où se trouvaient d'autres montagnes, couvertes d'arbres, où vivait un de ses amis.
Il dirigea ses pas vers les Montagnes Noires, s'enquit auprès des paysans du lieu de l'endroit où vivait l'ermite, et trouva bientôt sa hutte. L'habitation était entourée d'oiseaux qui s'envolèrent à son approche. L'homme le reçut et l'écouta attentivement, mais il lui expliqua que s'il pouvait comprendre et parler aux oiseaux, aux grillons et même aux poissons, par contre, il ignorait le langage des arbres et des plantes. Il lui conseilla d'aller consulter son maître dans la forêt d'Huelgoat.

Le maître vivaient sous des roches cyclopéennes dans la forêt. "Je suis l'ami des arbres" dit-il "Je comprends le langage des pins, des saules et des chênes. Ici ils me parlent d'autrefois, du temps qui passe. Ils me racontent tout ce se passe dans la forêt. Mais si je m'avance où vivent les hommes, les arbres crient et pleurent sous les coups de haches ou dans les flammes. Pourtant, s'il le faut j'irai avec toi au pays des Abers. J'irai questionner les plus vieux des arbres qui ont vu les hommes, encore eux, détruire l'oeuvre du saint et dissimuler son vaisseau de granit.. Mais il faut me promettre une chose: plus jamais tu ne devras abattre ou utiliser un arbre vivant, que ce soit pour la construction ou pour faire du feu".
La condition ne paraissait pas trop dure. Le Seigneur de Pen ar van n'hésita pas. Solennellement il jura de ne plus blesser ni tuer arbre ou arbuste durant toute sa vie.
"Si tu oublies ta promesse lui dit le sage, ne passe plus jamais sous un arbre, ou près de lui, il t'arriverait un malheur."
Quand le Seigneur revint à Pen ar van, cela faisait déjà un mois qu'il était parti. Son enfant ne pouvait presque plus se lever. Il respirait difficilement, l'issue semblait prochaine.
A la tombée de la nuit on guida le vieux sage jusqu'à la chapelle de Lokmajan, puis il demanda qu'on le laissât seul. La nuit passa, puis le jour, et encore une nuit. L'impatience des gens du château était à son comble, d'autant plus que l'état de l'enfant semblait s'aggraver doucement.
Enfin, l'ermite revint "Prenez des pioches et des pelles" dit-il. "Si j'ai été si long, c'est que les arbres voulaient d'abord me raconter tout le mal que les gens d'ici leur font. Ils ont tant à raconter ! Mais les arbres ne sont pas rancuniers, ils acceptent d'aider les hommes, espérant un jour gagner leur amitié". Il les guida ensuite vers le bord de l'aber Benoît et il leur montra l'endroit où ils devraient creuser, dans le lit de la rivière. Les pioches rencontrèrent bientôt un rocher, mais quand il fut dégagé, il apparut que c'était en fait une auge effilée, posée à l'envers. Les hommes remontèrent l'objet volumineux près de la chapelle. Avec des bottes de paille, une charrette fut rapidement aménagée pour permettre de transporter l'enfant devenu si fragile. Bientôt, un étrange cortège se mit en route, alors que partout alentour, à Castellouroup, au Quinquis, à Meznaot, à Kerboulou et ailleurs, dès qu'ils entendirent parler de l'auge de Majan, les gens se dirigèrent vers Lokmajan pour aller la voir.
Une cérémonie fut bientôt organisée. On avait transporté quelques seaux remplis de l'eau de la fontaine que l'on avait versée dans l'auge. Alors que la foule se rassemblait en groupes de plus en plus nombreux dans l'enclos et sur les pentes escarpées qui dominent la chapelle, la charrette s'arrêta près de l'auge. Le seigneur de Pen ar Van prit son fils dans ses bras et l'assit au bord du vaisseau de pierre, les pieds dans l'eau. L'enfant rit en remuant les orteils, car l'eau était froide. Le rire léger s'éleva dans le silence recueilli de la foule étonnée. C'était un présage favorable. Le seigneur émerveillé d'entendre ce son merveilleux, presque oublié de sa maison, s'exclama: "Gloire à Dieu, gloire à Majan, mon fils va guérir".
De la foule enthousiaste s'éleva une grande clameur.
Le sage de Huelgoat se pencha sur l'enfant. Il proposa de le remettre sur le lit de paille pour pouvoir l'examiner. Il était un peu guérisseur et savait l'usage des plantes.
Après l'examen soigneux, il se tourna vers le père et lui dit:
"Votre fils va guérir. Pour aider à le fortifier contre la maladie et hâter sa guérison, je vous apporterais demain un remède souverain".

Pendant plusieurs semaines, l'enfant dut avaler une potion amère. Des couleurs réapparurent sur ses joues pâles, ses forces revinrent. Il guérit.

L'auge de Majan fut de nouveau scellée sous le jet de la source, et longtemps encore on puisa son eau pour guérir les malades. Ceux qui le pouvaient venaient y plonger les pieds et riaient de la trouver si froide.
Quelques siècles plus tard, de cette histoire véridique il ne restait qu'une croyance, celle d'une banale fontaine miraculeuse. Un seigneur de la région décida de vendre tous les arbres entre le moulin de Meznaot et Lokmajan pour construire les bateaux du roi. Une nuit de tempête, l'arbre le plus ancien, un chêne de 600 ans s'abattit sur la fontaine, brisant l'auge de Majan. Il restait une belle pierre, elle fut amenée au bourg, au Prat. On l'utilisa pour aménager le dessus d'un nouveau puits qu'on venait de creuser.



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